Gestion des compétences : où en sommes-nous ?
La GEPP (pour Gestion des Emplois et Parcours Professionnels) est la résultante de trois lois successives (Borloo 2005, Rebsamen 2015 et les ordonnances Macron 2017) et le prolongement du concept essoufflé de GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences) qui demandait à être redynamisé. La GEPP définit que l’entreprise a bien obligation d’évaluer et de proposer progressions ou évolutions de carrières aux collaborateurs dans le cadre de l’entreprise et de sa stratégie mais aussi en externe. La synergie entre les intérêts du collaborateur et ceux de l’entreprise est en quelque sorte consacrée dans les textes. Désormais, le développement des compétences du collaborateur et son évolution “de carrière” continue s’imposent au cœur des politiques comme des systèmes d’information RH.
Un peu d’Histoire
En 2005, la loi de Programmation de Cohésion Sociale dite « loi Borloo », imposait aux entreprises de plus de 300 salariés (ainsi qu’à celles implantées dans la CE et comptant plus de 150 salariés employés en France) un dispositif dit de GPEC -discuté tous les trois ans entre direction et partenaires sociaux- qui devait a minima traiter de formation, de VAE (Validation des Acquis de l’Expérience), d’évaluation des compétences ou de mobilité interne.
Dans un deuxième temps, la loi de 2015, dite « Rebsamen » s’est ensuite révélée simplificatrice en modifiant par exemple le nombre et la périodicité des consultations obligatoires du CSE : tous les ans rémunération, égalité professionnelle, qualité de vie au travail et tous les trois ans la gestion des emplois et des parcours professionnels, ces sujets pouvant être traités en même temps si nécessaire.
Au-delà du passage à l’intitulé GEPP, en 2017 les ordonnances Macron, troisième volet de cette évolution, visent à favoriser des dispositifs plus adaptés aux mutations de l’emploi. La simple évaluation des compétences déjà au centre de la GPEC a laissé place au développement des compétences, une nécessité imposée par le marché de l’emploi comme par la compétition toujours plus marquée entre les entreprises sur les terrains de l’innovation et de l’efficacité. Évolutions de carrières, mobilité interne, employabilité, formation, deviennent naturellement les sujets autour desquels doivent s’articuler désormais les politiques RH comme les Systèmes d’information.
Gérer les parcours professionnels
La GEPP intègre donc le concept de parcours professionnel, un cadre plus large et plus dynamique que la simple évaluation des compétences et plus en phase avec les obligations de l’entreprise liées au devoir d’assurer – en accord avec sa stratégie – employabilité et progression de carrière au salarié au sein de l’entreprise, mais aussi en externe le cas échéant. Le parcours professionnel est de moins en moins monoposte, les mouvements ne s’effectuent plus seulement en verticalité (progression hiérarchique) mais tout autant par élargissement du périmètre d’activité, par diversification voire par changement ou transformation du métier.
On pourrait opposer à ces tendances le questionnement suivant : “Pourquoi se soucier des parcours des collaborateurs au moment où le turn-over progresse ?”. On répondra que – comme le prouvent les chiffres de l’ancienneté moyenne en entreprise de l’OCDE, l’idée de progression du turn-over (voire radicalement de La Grande Démission) est une perception un peu biaisée en particulier si l’on ne regarde le marché du travail que sous l’angle un peu spectaculaire des start-ups. Il ne s’agit pas d’une lame de fond, bien au contraire. Tous secteurs confondus, les français restent toujours en moyenne plus de dix ans dans la même entreprise. Se soucier de la qualité des parcours semble donc plus que productif, pour l’entreprise comme pour les pouvoirs publics (traitement du chômage et des réorientations). On ajoutera que proposer au sein de l’entreprise les évolutions de carrière voire les changements de métiers est le meilleur moyen de s’épargner les affres du turn-over (coût d’un nouveau recrutement, coût de l’acclimatation, perte sèche des investissements sur les personnes, désorganisation, etc.)
Pour assurer ces obligations les leviers principaux vont donc être les potentialités de mobilité interne et les formations. Et pour optimiser cette politique il va être nécessaire de créer une vraie relation d’engagement, de confiance et de partenariat avec les collaborateurs et d’abord d’élargir et de revoir la perception des compétences et l’usage qu’on va en faire.
Une ”compétence” : qu’est-ce que c’est ?
La notion de compétence n’a pas de définition juridique. On l’aborde plutôt généralement comme un creuset dans lequel on mêle les connaissances théoriques du salarié d’un côté (faciles à identifier) avec deux ingrédients au parfum d’infini, le savoir-être et le savoir-faire. La novlangue en cours en matière de RH fait elle le distinguo entre hardskills et softskills. La porte ouverte à pas mal d’interprétations voire de combinaisons différentes. Par exemple pour Guillaume Piot, spécialiste des SIRH, un des fondateurs du jeune cabinet de conseil RH Borhomeo : « une organisation crée de la valeur principalement grâce aux savoir-faire de ses parties prenantes. Par savoir-faire on entend des connaissances modulées à une expérience, un type d’information qui n’apparait pas du tout ou pas très clairement dans une description de poste ou une fiche de mission”. En résumé avec un bagage théorique, une capacité d’application pratique et des aptitudes comportementales (capacités à être un élément moteur ou à faire des compromis, leadership, esprit d’équipe, créativité, polyvalence, empathie, capacité d’adaptation, aisance relationnelle, etc.) on peut dresser la cartographie des compétences d’un salarié. Mais on peut aussi aller plus loin et un talent spécifique, un engagement du salarié dans son parcours hors de l’entreprise, mérite de trouver sa traduction active dans l’entreprise si cela sert les deux parties. On parle dans ce cas même de madskills ou compétences folles en version Molière, ce type d’expérience menée hors des sentiers battus qui va éclairer d’un jour particulier le profil d’un collaborateur. Mais très classiquement par exemple une personne engagée sur les questions de citoyenneté ou d’environnement peut se voir confier des responsabilités et devenir “moteur” en matière de RSE.
Seulement, ces signaux “clairs” ou plus “faibles”, pour bien les interpréter il faut d’abord pouvoir les recueillir. C’est tout le sens des “rendez-vous” réguliers que sont les entretiens prévus par la loi.
Entretiens : la panoplie légale
Depuis 2014, les entretiens sont cadrés par la loi. Quelle que soit la taille de l’entreprise le collaborateur bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel à l’initiative de son employeur.
Il ne doit pas être confondu avec l’entretien d’évaluation (annuel) qui vise à une définition des missions et objectifs du collaborateur et qui lui n’est pas obligatoire. Pour que l’on s’assure que le dispositif serve bien l’évolution professionnelle du salarié, la loi du 5 mars 2014 l’a complété en incluant un « état des lieux récapitulatif à 6 ans », un bilan supplémentaire après trois entretiens professionnels. Il est complémentaire du troisième entretien (il peut être mené conjointement) et doit apporter la preuve que le salarié a bien bénéficié de ses trois entretiens et suivi au moins une formation non-obligatoire.
Au-delà des obligations légales ou du formalisme, ces “rendez-vous” sont bien évidemment à considérer comme des moments privilégiés d’échanges pour le triangle constitué par le responsable RH, le collaborateur et le manager. On va formuler des aspirations et les confronter aux champs des possibles dans l’entreprise où à l’externe si aucune évolution n’est envisageable (ce qui est le cas parfois dans les entreprises de petite taille).
La gestion des entretiens – on va le voir – a trouvé une traduction logicielle d’une grande efficacité mais il existe toute un panel d’autres outils dont la vocation est de servir la gestion des parcours professionnels.
Les outils et logiciels de la GEPP
[NB : La panoplie des outils précédemment attribuée à la GPEC reste bien sûr d’actualité. Ce guide Altays GPEC visait à en dresser le catalogue et le cadre de leur mise en place. On considèrera que par leurs nouvelles fonctionnalités développées au fil du temps et certains élargissements de leurs périmètres ils font eux-même transition vers la GEPP]
Les entretiens
Le meilleur moyen de programmer et d’optimiser les entretiens est d’utiliser une solution logicielle. Elle permet de les planifier sous forme de campagnes ou “au fil de l’eau”, si nécessaire.
Le pilotage facilité par le logiciel est la meilleure garantie d’une bonne tenue des délais, d’un taux de réalisation optimal (des rappels réguliers aux intervenants sont prévus) et d’un véritable gain de temps et d’efficacité comme nous le démontre ce témoignage d’utilisation d’un logiciel de gestion des entretiens. C’est aussi une garantie de traçabilité des échanges et le meilleur moyen d’éviter toute dispersion des infos. Un tel logiciel – comme tous les logiciels dédiés à la GEPP dans son entendement le plus large – gagne bien évidemment à être une partie communicante d’un ensemble SIRH. Il saura partager des informations avec d’autres logiciels complémentaires dédiés à la gestion des ressources humaines – à commencer par le Dossier salarié (point sur l’évolution) un logiciel de gestion de la mobilité interne (visualiser des offres de postes en interne) ou un module proposant un catalogue de formations (développer les compétences).
La définition des compétences
La cartographie des compétences requises poste par poste, métier par métier, dans l’entreprise est un préalable obligé pour la mise en place de la GEPP. Un logiciel de gestion des compétences permet de rationaliser cette prise d’information et de tirer le meilleur de la masse des données. Une fois la cartographie en place, les informations recueillies côté collaborateur permettent les comparaisons les plus fines par superpositions de diagrammes type Kiviat. Les axes de la progression nécessaire du collaborateur pour la meilleur adéquation poste/profil s’affichent clairement. Moins classiques, d’autres logiciels vont plus loin en faisant appel à l’Intelligence artificielle pour l’analyse des compétences. Au final, ce type d’outils permet de sortir de l’interprétation subjective, pour bénéficier d’un socle objectif pour documenter les discussions.
La mobilité interne
Une entreprise de grande taille a des bénéfices réels à utiliser un logiciel de mobilité interne. Basé fondamentalement sur des fonctionnalités essentielles d’un ATS classique tourné vers l’externe (publication, gestion des offres, vivier, matching, etc.) il fait office de bourse de l’emploi interne et si on le rapporte à la GEPP il permet lors des entretiens de mettre en perspective les projets d’évolution de carrière en les confrontant en live à la réalité des postes ouverts à la mobilité dans l’entreprise.
La formation
Un module de type catalogue des formations homologuées par l’entreprise facilement accessible est un allié considérable lorsqu’il s’agit de concrétiser le développement de compétences. Les champs de progression s’affichant clairement en faisant matcher les besoins et l’offre, le responsable RH peut proposer au cours des entretiens un plan de formation ad hoc.
Le feedback 360
Grace à un logiciel de feedback de ce type, en dehors de toute campagne d’entretiens, à l’aide de formulaires sur mesure et en questionnant potentiellement tout l’environnement d’un collaborateur (voire même en externe, des clients ou des prestataires), il est possible pour le responsable RH d’enrichir la documentation des entretiens et d’étayer ses avis en matière d’axes de progression de carrière.
La revue du personnel, people review (ou encore revue des talents)
Tenue conjointement par les managers opérationnels du collaborateur, la direction et la direction RH cette réunion de revue du personnel généralement annuelle a pour mission d’évaluer tous les collaborateurs. Cependant dans les faits il s’agit principalement de repérer les talents catalogués “hauts potentiels” et à s’assurer qu’ils sont bien employés dans l’intérêt stratégique de l’entreprise et dans leur intérêt propre bien sûr afin de s’assurer de leur rétention.
La traduction logicielle consiste en un outil de support dédié à cette réunion qui propose généralement une 9box particulièrement adaptée à la définition des potentiels ainsi qu’une compilation d’informations liées au parcours du collaborateur. Le volume de ces informations dépendant bien évidemment du niveau d’intégration du logiciel au SIRH de l’entreprise et de ses interactions avec le dossier du salarié ou le logiciel de gestion des compétences ou celui de gestion des entretiens entre autres.
Le plan de succession
Il s’agit d’un dispositif logiciel à visée prévisionnelle qui vise à sécuriser les postes clés dans l’entreprise après les avoir définis. Il s’agit d’anticiper un éventuel départ ou une évolution de carrière en interne en proposant des solutions de remplacement c’est à dire des collaborateurs dont les potentiels ont été identifiés comme ayant des compétences en adéquation avec celles requises pour le poste. En tant que logiciel complémentaire de la People review et des autres outils de GEPP, il va permettre une représentation particulièrement visuelle et dynamique de l’organisation qui pourra être judicieusement adaptée aux objectifs stratégiques, s’ils évoluent.
Gestion des Talents et conclusion
Au final on peut considérer que la GEPP entendue dans sa dimension la plus large est couverte par la partie gestion des talents (ou management des talents) d’un SIRH complet moins le logiciel de gestion des offres d’emploi (ATS), même si finalement la question peut se poser puisqu’il est généralement entendu qu’une bonne gestion de parcours professionnel commence dès le premier contact.
Pour s’équiper il faudra considérer que l’intégration des différents logiciels et leur capacité à partager et à valoriser les informations sont essentielles d’autant que la définition de la GEPP élargit encore le périmètre attribué précédemment à la GPEC. La gestion des emplois et des parcours professionnels telle qu’on l’entend désormais prend également une dimension stratégique globale pour le développement de l’entreprise. Un socle SIRH solide, capable d’évoluer et d’accueillir les solutions les plus performantes du marché et proposant des interfaces de gestion ergonomiques ne nécessitant pas de formation sera assurément votre meilleur allié !