90 % des inventions brevetées sont le fait d’inventeurs salariés. Elles peuvent l’être à l’initiative de l’employeur, c’est-à-dire que le collaborateur « invente » dans le cadre de la mission qu’on lui a défini ou bien à l’initiative du salarié. Reste à définir ensuite la propriété des brevets qui peuvent être déposés et c’est à ce stade que l’on peut évoquer la rémunération. Et si rémunérer un salarié « inventeur » vise à favoriser l’engagement et l’innovation, on ne doit pas perdre de vue que c’est surtout une obligation juridique !
Comme souvent avec les sujets liés à la rémunération, les conflits peuvent naître en particulier si les règles ne sont pas fixées clairement d’emblée ou s’il y a déficit d’information. Ce sujet de la rémunération des inventions ne doit pas être traité à la légère – particulièrement par les entreprises dotées de pôles de recherche et développement importants – car le respect de la qualité du travail innovant et sa juste rétribution sont potentiellement de vrais facteurs d’engagement et de motivation ainsi que de bons antidotes au turn-over. Un collaborateur s’estimant lésé ou mal récompensé sera évidemment tenté d’aller voir chez la concurrence si par hasard on ne le récompenserait pas un peu plus…
Mais qu’est-ce qu’une invention ?
C’est une méthode, une technique, un moyen nouveau par lequel il est possible de résoudre un problème pratique donné. Depuis l’intégration du critère d’activité inventive pour le brevet français, le caractère nouveau est très important. Pour une solution technique qui pourrait avoir une application industrielle, on peut alors déposer une demande de brevet auprès de l’INPI.
… Et un brevet ?
Un brevet est un titre de propriété industrielle qui confère à son titulaire une exclusivité d’exploitation de l’invention brevetée à compter, en principe, de la date de dépôt et pour une durée maximale de 20 ans. Un droit de brevet n’est pas un droit d’exploitation, c’est-à-dire autorisant l’exploitation de l’invention brevetée. En effet, le droit d’exploitation peut être soumis à un autre formalisme tel que l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché, une certification, etc.
Pour qu’elle soit brevetée l’invention doit avoir la valeur reconnue de solution technique nouvelle et permet une application industrielle. On exclura donc : les découvertes, théories scientifiques, méthodes mathématiques, méthodes intellectuelles ou commerciales, créations esthétiques, etc;.
Alors, s’il y a invention à qui appartient-elle ?
La loi distingue trois catégories d’invention de salariés : les « inventions de mission », les inventions hors mission attribuable, et les inventions hors mission non-attribuables. Les points qui les distinguent sont décrits dans le détail par l’INPI
Si on en résume :
Les inventions de mission sont les inventions réalisées par le salarié dans l’exécution de son contrat de travail et/ou d’une mission de recherche. Dans ce cas l’invention est la propriété de l’employeur et le salarié doit être cité à moins de s’y opposer et doit être rémunéré dans les conditions définis dans les accords d’entreprise ou dans son contrat de travail.
Les Inventions autres que les inventions de mission mais présentant un lien avec l’entreprise sont la propriété du salarié mais l’employeur peut se voir attribuer la propriété ou la licence d’exploitation en versant une contrepartie financière.
Les inventions non attribuables sont la propriété exclusive du salarié qui en retire les bénéfices.
Obligations du salarié
le salarié a l’obligation de déclarer toute invention qu’il réalise afin d’en informer son employeur et de lui permettre de déterminer les droits qu’il estime détenir sur l’invention.
Celle-ci doit être brevetable (solution technique nouvelle, qui relève d’une activité inventive et permet une application industrielle. Exclusion : les découvertes, théories scientifiques, méthodes mathématiques, méthodes intellectuelles ou commerciales, créations esthétiques et présentations d’informations).
L’objectif de la déclaration est de définir, à terme, qui du salarié ou de l’employeur peut déposer le brevet.
Ainsi, dès lors que l’activité d’une personne au sein de l’entreprise est encadrée par un contrat de travail, et que cette personne estime que son invention est brevetable, celle-ci dispose alors d’un droit à une rémunération supplémentaire.
Donc pour bénéficier d’une rétribution supplémentaire (obligatoire) versée par l’entreprise l’inventeur doit bien avoir le statut de salarié (ce qui exclue les stagiaires, prestataires, fournisseurs ou partenaires)
Quelle rémunération supplémentaire ?
La dernière étude de l’INPI sur le sujet remonte un peu (2016) mais elle peut permettre d’avoir quelques tendances. Par exemple pour avoir un ordre d’idée des sommes en jeu, l’INPI constatait dans son enquête, « un inventeur salarié reçoit en moyenne un montant forfaitaire de 2 200€ pour une invention, mais ce montant peut atteindre 11 000€ selon les critères et le mode de calcul retenus« .
De plus en plus d’entreprises mettent en place des dispositifs d’incitation
Selon Pierre Langlais, associé-fondateur du cabinet Langlais Avocats, intervenant en droit de la propriété industrielle, « [c’est à partir des années 2000] que les entreprises (les plus importantes dans un premier temps) ont commencé à prendre en compte ce sujet en interne en mettant en place des politiques d’inventions de salariés fixant les rémunérations allouées aux salariés pour les inciter à innover. » Cette croissance dans la prise en compte de ce levier de rémunération a progressivement fait diminuer le nombre de litiges et par là même la saisine du Tribunal judiciaire de Paris (seul tribunal compétent dans ce domaine). Un bon indicateur !
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